Cassiopée, Endstation Sehnsucht
Houle, tangage de
ces semblants de certitudes. Il fait froid en dedans. Cassiopée et le bleu
pervenche des dernières semaines ne sont plus à portée de regard. Le fragile
fil d’Ariane s’est à nouveau rompu, et je tâtonne au bord de cette existence
fragmentée à la recherche de jalons qui se dérobent sous mes souvenirs. Il me
faut un banc de terre ferme pour y donner un coup de talon et retrouver en
surface ne seraient-ce que les vestiges d’un bien-être. Je sombre dans mes
silences. Où est donc passée cette foutue capacité aux petits bonheurs? A
fleur de cœur qui la retient prisonnière entre les bornes du temps qui passe.
Bon sang qu’il
fasse place! Je veux pouvoir parler encore des prunes juteuses venues
après les fleurs, de la reinette qui avait choisi mon mur de pierres aux
interstices tapissés de mousse comme palais d’été, des coups d’archet du
grillon solitaire, de la fenêtre ouverte sur la nuit chaude de juillet, de mes
amours si belles.
Photo retrouvée au fond d’un tiroir. Flash back. Berlin, été de canicule 1983.
Tu étais venu me chercher à Bahnhof Zoo, et je me souviens que tu portais
ce t-shirt kaki acheté aux USA, le casque blond cendré jusqu’aux épaules, le
visage fin et les grands yeux de ciel breton. Ta peau, son odeur de cambouis et
de savon de Marseille. Nous avons longé le mur main dans la main, dans un
silence de plomb en passant devant les miradors et ceux qui sont tombés, avant
de s’affaler sur le lit de tes cinq mètres carrés chez les pères Dominicains.
Nous écoutions Let’s dance et tu m’as emmenée voir Bowie en open air aux arènes.
Notre soleil ne se couchait jamais.
La nostalgie me mine et j’accorde le droit à ceux qui la fustigent de me jeter
la première pierre. C’est vrai que je donnerais très cher pour pouvoir aller
faire une ballade dans ma propre vie cet été-là, et retourner courir dans
tes bras sur un quai de gare…