Vingt-quatre ans et quelques jours...
Je te regarde encore et encore. Il faut que je te regarde, que je touche ton image qui me retient captive, que j'en dessine les contours, que je devine cet instant. Et je veux briser cet accord silencieux, ce pacte sans mots, je veux que tu me dises la mer que tu as traversée sans moi toutes ces années, comment tu as effacé mes yeux des tiens, fait deuil de ma peau que tu n’as pas osé toucher, rangé cet amour à force de raison,
renoncé à nous.
D comme Désir Je te Dé…visage Je me Dés…altère au
D comme Désir
Je te Dé…visage
Je me Dés…altère au bleu de ton iris
Je te Dés…habille dans mes battements de cœur
Je Dés…sine ta peau du bout des lèvres
« …
En toute porte entr’ouverte aux plaisirs
L’adroit Amour aisément s’insinue » - Jean de la Fontaine
ReDis moi des yeux… ton Désir…
Paris, carte postale
Déjà, à peine passé la frontière, je sens mon pas différent. Plus décidé, plus léger aussi, déchargé de cette espèce de lassitude qui le rend traînant et mélancolique, et qui fait toujours de moi la dernière, celle qui oblige sans cesse involontairement à se retourner pour l'attendre. Sur son sol il gagne sans pulsion ni effort de la vigueur, et soudain il semble aller plus librement. A hauteur de Lille, alors aux deux-tiers du chemin, le pouls commence un crescendo et relis son arpège. C'est que je ne suis plus si loin...
A Senlis je jubile déjà, en celle qui sait que pour les jours à venir elle n'aura plus besoin du manteau de ses souvenirs pour avoir chaud. Que les vibrations et le souffle de la ville la porteront comme un radeau de fortune son naufragé sur l'écume de l'océan.
Et puis voilà Paris et l'air se met à chanter.
Tant de villes au fond des yeux et une seule enracinée au coeur, baume et blessure, étendard, tatouage.
Mais peut-être fallait-il partir...
Paris, je ne dirai jamais assez que pour moi tu es la plus belle de toutes, qu'entre tes murs je suis arrivée aux confins de mon voyage. Je te traverse à pieds du Luxembourg au Sacré-Coeur sans l'ombre d'une hésitation, juste et seulement l'âme en bandoulière, émerveillée par la richesse de tes façades, l'élégance de tes ponts, la diversité incroyable de tes visages.
La dernière de tes portes laissée derrière moi fait se replier mon corps dans un hiver dont j'ai tant de mal à sortir, et que j'essaye parfois d'adoucir comme là maintenant, au coin d'une carte postale.
I'm sailing...
Le sport n'a jamais été ma
tasse de thé, je préfère jouer à l'Odalisque sur mon canapé. J'ai assez de
force pour tenir mon tuyau d'aspirateur à bout de bras quand je pars à la
chasse aux araignées qui se sont mis dans la tête de coloniser mon plafond,
assez d'énergie pour déboucher une bonne bouteille de pétillant et trinquer
avec les copines, et je muscle mes petits doigts plusieurs heures par jour sur
mon vieux Pleyel qui en a vu d'autres, aux sons de la "Marche turque"
ou des "Feuilles mortes". Ca me suffit pour me sentir bien. Petite
fille, mes parents ont déployé des trésors de persévérance pour me faire
m'agiter un peu, mais j'ai passé plus de temps à caresser les chevaux que
sur leur dos, et j'étais plus souvent le nez dans mon Fantômette et la raquette
entre les genoux, qu'à courir derrière un truc jaune et bondissant sur le
cours de tennis. Enfin jusqu'ici je n'ai jamais ressenti le besoin de la saine
fatigue, de la dépense physique, de l'élimination bienfaisante des toxines
dont, paraît-il, je serais saturée.
Pourtant, quand je vois les
voiliers toutes ailes dehors glisser sur la Méditerranée, superbes,
libres, me brûle en les regardant ce désir irrésistible de voler avec eux,
d'être forte et légère, de me remplir du grand air, de quitter ma peau. Je veux
être sur le pont, la mer et l'horizon dans les yeux, à l'écoute du vent,
prête à virer de bord, tout le corps tendu dans l'effort, ce corps en
sommeil...
"I'm sailing, I'm sailing..."
C'est si peu dire que je vous aime...
Vous aimer du regard,
vous boire des yeux éperdument,
jusqu'à la lie,
jusqu'à l'ivresse,
jusqu'à la fin des temps.
Rêver du goût de votre peau,
poser les lèvres sur votre nuque,
y recueillir votre sel,
quelques gouttes de sueur le
temps d'un frisson.
C'est si peu dire que je vous
aime...
Tout premier souvenir
"Dans mon premier souvenir, je suis sur le balcon de
notre appart à Bielefeld, toute petite et habillée tout en rouge. Je ne sais
plus pourquoi, mais tu es fâchée contre moi, tu viens de me gronder. Et le
tien, qu'est-ce que c'est?" Petite pause thé-brioche avec Cosima, ma
fille, échange de confidences, jolis moments qui me manquent déjà. La chanson
de Reggiani me trotte dans la tête..."Ma fille, mon enfant, je vois venir
le temps où tu vas me quitter, pour changer de saison, pour changer de maison,
pour changer d'habitudes..."
Mon tout premier souvenir? Pas besoin de l'appeler
longtemps. Curieux ça, je n'y pense jamais, mais il est là, comme derrière un
paravent, présent mais en retrait, un peu comme un figurant qui ne voudrait pas
trop se faire remarquer. Je dois avoir trois ou quatre ans et je suis nouvelle
à la maternelle. Une maternelle catholique, tenue par des religieuses.
Rétrospectivement je me demande comment j'avais bien pu atterrir là avec un
père communiste et une mère agnostique. Pour des raisons de proximité je
suppose.
Nous devions faire un dessin à la peinture, et on nous
avait installés par deux à des chevalets doubles, sortes de tableaux de bois
avec des feuilles de papier blanc punaisées dessus aux quatre coins. Un enfant
de chaque côté, se faisant face, comme ça pas possible de s'inspirer de
l'oeuvre de son voisin. J'avais pris trop d'eau sur mon pinceau. Le thème du
dessin était une forêt je crois, et sur le mien coulaient de grosses larmes de
peinture marron et verte que je n'arrivais pas à retenir avec ce maudit
pinceau. Plus j'essayais de réparer les dégâts, plus j'aggravais les choses, et
les larmes étaient passées en silence de mon dessin à mes joues. C'est à ce
moment-là que notre éducatrice s'est approchée de mes rivières involontaires:
"quel horrible dessin!", ça a été son seul et unique commentaire, je
ne l’ai jamais oublié.
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Congo, Ruanda, ou ailleurs
djembe
Résonances...
Viols, violence
Barbarie, répression, tortures
sur enfants qui tuent
Crémation d'espoirs
Cris asphyxiés
Sépulture d'équateur
« Croire en
une source diabolique supernaturelle n'est pas nécessaire ; les hommes sont
capables de toutes ces méchancetés par eux-mêmes. »
J. Conrad
Quiz
De qui Charles Baudelaire fait-il l'éloge?
« Que sera ... pour la postérité ? Que dira de lui cette
redresseuse de torts ? Il est déjà facile, au point de sa
carrière où il est parvenu, de l'affirmer sans trouver trop
de contradicteurs. Elle dira, comme nous, qu'il fut un
accord unique de facultés les plus étonnantes ; qu'il eut
comme Rembrandt le sens de l'intimité et la magie profonde,
l'esprit de combinaison et de décoration comme Rubens et Le
Brun, la couleur féerique comme Véronèse, etc. ; mais qu'il
eut aussi une qualité sui generis, indéfinissable et
définissant la partie mélancolique et ardente du siècle,
quelque chose de tout à fait nouveau, qui a fait de lui un
artiste unique sans générateur, sans précédent, probablement
sans successeur, un anneau si précieux qu'il n'en est point
de rechange, et qu'en le supprimant, si une pareille chose
était possible, on supprimerait un monde d'idées et de
sensations, on ferait une lacune trop grande dans la chaîne
historique. »